• Les silences d'Irène de MJ Gonand Stuck

    Prologue

    Irène est morte aujourd’hui, 31 décembre 2022. Je l’appelle

    par son prénom car pour moi elle ne fut pas seulement une

    grand-mère. Certes elle m’a souvent gardée quand j’étais petite.

    Ma mère, Marie, sa fille aînée, avait soudain décidé de

    travailler. Elle s’était rassurée en me confiant à cette femme

    tranquille, bien ancrée dans une vie bourgeoise et familiale. Sa

    propre génitrice.

    Je garde depuis l’enfance un lien particulier avec Irène. Devenue

    adulte, j’apprends à déceler des failles dans sa carapace

    de dame qui va toujours bien. Bien sûr je ne sais pas tout.

    Parfois je devine.

    Irène détestait les festivités de la Saint-Sylvestre. Elle trouvait

    que ça sonnait faux, qu’on faisait semblant d’être joyeux. C’est

    sûrement pour ça qu’elle a pris la tangente dès aujourd’hui.

    Je lui avais pourtant promis de rester auprès d’elle en sirotant

    quelques coupes de champagne. Selon nos vieilles habitudes.

    Elle se disait bonne vivante angoissée ou bien mélancolique

    joyeuse. Je crois être née sous la même étoile.

    J’ai quitté mon époux il y a trois mois. Depuis, je vis chez

    elle. Les fenêtres de ma chambre donnent sur le fouillis de

    verdure de son jardinet. Je me sens bien ici. Presque sereine.

    12

    Mon mariage idiot n’aura pas duré plus de six mois. Maman

    m’en veut après tous les frais inutiles d’une réception grandiose

    et surtout pour le qu’en-dira-t-on. Épinal est une petite ville

    de province où on aime dégoiser sur son prochain. Irène elle,

    sourit de mes folies. Elle ne me voyait ni en « femme de » ni

    en mère comblée avec deux ou trois marmots. Elle avait cent

    fois raison. Bientôt je m’en irai. Le plus loin possible. La seule

    qui me retenait encore ici n’est plus, alors…

    Je déteste écrire. Dès l’école primaire j’ai du mal à formuler

    mes émotions, à raconter une histoire. Alors si je me fends de

    quelques lignes, c’est pour honorer la mémoire de ma grandmère

    et la faire découvrir. Je ne sais pas encore à qui. Les lecteurs

    apprendront qu’elle n’était pas aussi lisse qu’elle en avait l'air.

     

    Les silences d'Irène de MJ Gonand Stuck


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